La part des anges qui nous font ouiller !

            Il arrive parfois dans la vie certaines choses inexplicables et un rien... mystiques ! Vous savez, comme quand vous rangez bien proprement vos fils d'écouteurs dans votre sac le soir et que, quand vous les ressortez le lendemain, ils sont tout emmêlés. Ou encore quand vous posez un objet quelque part et que le jour où vous en avez besoin, il a mystérieusement changé de place... 

          On oublie tout de suite les scénarios pas fun du style : "ouais mais c'est sûrement ta femme qui l'a rangé" ou encore la théorie du "en même temps ya tellement de bazar dans ton sac que c'est normal qu'ils s'emmêlent"... Non non non et non ! Parfois il faut admettre que dans ce monde, il existe un peu de .. "magie".

Cuve réserve pour l'ouillage

Et bien cette magie existe aussi dans le vin, et pas seulement dans ce doux pouvoir qu'il a de nous "griser" ! Elle vit au travers de ce phénomène au nom très poétique : "la part des anges". 

J'aime à penser que ce qu'on appellerait communément de l'évaporation d'alcool serait finalement l'oeuvre d'un petit  Bacchus franchouillard venu se servir directement au tonneau un soir de fête avec ses potes. Mais la réalité semble bien terre à terre, la part des anges serait en fait ce processus d'absorption du vin par la barrique et d'évaporation. Et parce que le vin s'évapore, on doit ouiller !

Et si on ouillait un peu ?

Patrick ouille les barriques de Chantegrive rouge

Encore un mot un peu barbare du lexique viticole, ouiller ! Ouiller ça veut dire qu'on refait le niveau si vous voulez, qu'on va injecter dans le fût de 225 litres un peu de vin de qualité équivalente pour qu'il n'y ai pas de bulle d'air à se former. Car l'air, c'est MAL pour le vin !

L'air ça entraîne une oxygénation du vin et surtout, ce qu'on redoute par dessus tout... la piqûre acétique !!! Brrrr. La piqûre acétique transforme l'éthanol en acide acétique, et pour parler plus crûment, elle transforme notre bon vin, en vinaigre ! 

En ouillant on protège aussi le vin de certaines bactéries et notamment de la maladie de la fleur ! Cette maladie au nom très charmeur (au passage), se caractérise par l'apparition d'un voile blanchâtre à la surface du vin oxydé et par un liquide aqueux et dépourvu d'arômes. C'est très recherché dans les vins jaunes du Jura, mais à Chantegrive on s'en passera volontiers !

On est obligés d'ouiller parce que lorsqu'on met un vin en barrique, et surtout si la barrique est neuve, on va perdre entre 7 et 11 litres de vin par millésime. C'est énorme !!! Rappelez-vous qu'on perd également environs 6 litres de vin lorsqu'on soutire les barriques, ce sont les lies qu'on ne peut pas exploiter (plus d'infos ici).

Il faut savoir qu'on ouille environs une fois toutes les deux semaines et parfois plus en été. On refait le niveau parce que l'air passe au travers des douelles (planches de bois constituant le tonneau) et on le fait par le biais d'un petit arrosoir argenté.

En résumé, on ouille à l'arrosoir argenté les tonneaux à cause de la part des anges afin d'éviter la fleur. Vous voyez que vous en avez appris des choses ! Je suis sûre que si je vous avais sorti cette phrase au début de l'article, vous m'auriez prise pour une locale au patois délirant.

Aller, je vous laisse mûrir tout ça et on se  retrouve la semaine prochaine !

Bon weekend, 

Chloé

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération